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Malgré Tout…!

Aube.

31 Mars 2020


Pourquoi un coureur veut-il tant courir? Malgré les embuches, malgré la douleur, malgré la fatigue, malgré les blessures, malgré tout. Là ou certain trouve une activité de torture incompréhensible, d'autres trouvent l'extase et la satisfaction. Voir même un genre de bonheur. Pourquoi?


Cela fait maintenant plus de deux semaines que j'ai rechaussé mes souliers de course, à mon plus grand plaisir. Deux semaines entières ou les jours de repos sont quasi plus important que les jours d'activités. Il faut prendre le temps. Prendre le temps de tout bien remettre en route, s'assurer que la mécanique tient le coup, valider que toutes les réparations restent bien en place, rebâtir les fondations de la machine de course. "Patience et longueur de temps", s'est toujours amusé à dire un de mes amis. Je deviens un vrai Dalai Lama par les temps qui courent. Presque complètement zen. J'ai simplement une envie monstrueuse d'aller courir un demi-marathon au réveil d'un petit matin pluvieux. Uniquement parce que j'en ai envie. Juste pour faire des kilomètres, pleins de kilomètres. Pleins de kilomètres à être dans ma tête, dans mes pensées, dans mon espace créatif à moi.


Le retour à l'action est un long processus. Et le retour est bien différent pour un coureur qui a été sur le banc de touche pendant plusieurs mois à cause d'une blessure. Comparativement à quelqu'un qui décide de s'arrêter de courir pour la saison hivernale, pour des raisons toutes très discutables (clin d'oeil). La grande différence dans un cas comme celui-ci est que contrairement à l'ours qui hiberne tranquillement au chaud, décontracté dans le confort de son salon en attendant le retour des bourgeons. Je viens de passer les cinq derniers mois sur les blocs de départ. En attente du coup de "Starter gun". Les crampons plantés dans le caoutchouc des blocs, pouces et index bien parallèles à la ligne blanche de la piste, le corp entier tendu, prêt à exploser au moment opportun et à engloutir la piste au passage. Donc un retour comme celui-ci ne demande pas un surplus de motivation, à l'opposé de l'ourson printanier, mais bien une surdose de patience, encore et toujours. Ce qui n'est pas ma qualité première, je dois l'avouer. Il faut remémorer à son corp ce que signifie courir, ce que c'est que c'est d'avoir mal et lui rappeler également l'extase promise suite à l'effort. Je dois dire qu'il y a plus de positif que de négatif jusqu'ici dans mon retour progressif, même si rien n'est pas parfait. Les choses semblent vouloir s'arranger, ou du moins aller vers le mieux.


Je dois faire un petit retour sur "Le triangle des Bermudes du pied gauche" (Post du 25 Mars 2020). Il me restait encore une douleur à la base de l'orteil central et de son copain extérieur, le troisième point du fameux triangle. Mes recherches amateures, m'ont toutes mené vers un certain monsieur Morton, celui du syndrome de Morton ou du névrome de Morton, bref dans la famille Morton. Qui consiste à l'écrasement, la compression d'un des nerfs qui longent les os métatarsiens du pied. Comme la pandémie actuelle m'empêche de rencontrer de vrais spécialistes, avec de vrais machines et de vrais diplômes. J'y vais de mes propres déductions. Élémentaire mon cher Watson. Donc un nerf écrasé entre deux orteils, après un choc, ou une compression quelconque, c'est possible j'imagine. Il me suffit de créer de l'espace. De trouver un moyen de séparer les deux orteils coupables. Deux sections "Tape" physio. L'orteil numéro 2 avec le 3 et numéro 4 avec le 5. Je me retrouve avec un pied ou il n'y a que le gros orteil de libre. Je ressors mes Altra Superior du placard (Qui m'ont tellement manqué). Question de laisser mes orteils se déployer au sol et dans la chaussure. L'idée est de créer l'espace nécessaire au nerf pour vivre sa vie de nerf. Un peu de bricolage et me voilà de retour dans les sentiers avec de bonnes sensations. Je teste la chose depuis maintenant quelques jours et j'ai l'impression de prendre du mieux, que mon pied prend du mieux. En fait, j'ai tout simplement l'impression que la douleur semble vouloir me foutre un peu la paix. Enfin.


La question demeure. Et pourquoi un coureur veut-il tant courir? Malgré les embuches, malgré la douleur, malgré la fatigue, malgré les blessures, malgré tout.


Certainement pour les mêmes raisons obscures qui font qu'un musicien veut jouer de la musique. J'imagine. Tout bonnement parce que c'est bon. À quoi bon de toutes façons vouloir répondent à des questions comme "Qu'est-ce que le bonheur?". Ce sont des questions qui se veulent sérieuses et profondes. Mais qui dans leur simple fondement deviennent insipides. Puisque la réponse devient rationnelle. Pour ma part ce ne sont pas des questions à résonnement. Ce ne sont pas des questions à rhétorique. Ce sont des questions et des réponses qui se vivent. La course est un état d'esprit. Oui c'est une activité physique, J'en conviens, mais qui est directement lié à l'esprit. À partir d'un certain moment dans le cheminement d'un coureur, cet état mental finit toujours par s'installer. J'en ai la conviction. Pour ma part, je trouve dans ces moments de longues courses, d'infinis moment de ce que certain appellerait méditation, contemplation, recueillement, étude, réflexion, approfondissement. Moi, j'y trouve de grands moments de créations. Courir devient comme une magnifique machine à penser, à créer. C'est définitivement comme si l'activité du bas du corp actionnait l'ébullition de mon cerveau. Tout en étant un agent calmant, qui m'apaise et me détend. C'est dans ces moments que dans ma tête tout bouge et tout finit par prendre sa place.

Et c'est magique.


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