Notre Monde.
18 Avril 2020
Le vendredi 12 octobre 1492, après deux longs mois de mer, Christophe Colomb pose le pied sur une île des Bahamas. Le navigateur génois croit de bonne foi avoir atteint « l'Asie des Épices » et pour cette raison appelle « Indiens » (habitants de l'Inde) les premiers indigènes. – Auteur Inconnu -
Il fallait avoir un certain culot, courage, ou insouciance pour appareiller un bateau et son équipage et partir d’Europe en traçant vers l’ouest. Sans aucune carte, en espérant toucher terre quelque part dans ce nouveau monde totalement inconnu de l’univers de l’époque. Et pourtant l’histoire donne raison à ces gens qui ont tous passé pour illuminé, avant de réussir à prouver par leur détermination que leur projet était véritable.
« Un voyage de 1 000 kilomètres commence toujours par un pas » - Lao Tseu
Avec la passion de courir dans les sentiers vient également la nécessité de développer son réseau de pistes de routes de voyage. De lieux d’entrainements, de lieux de découvertes, de lieux de plaisir à parcourir. Trouver de nouveaux paysages, de nouvelles montagnes, de nouveaux parcours, connus et moins connus. S’aventurer dans des secteurs différents. Réactualiser en permanence notre environnement. Et donc par le fait même le besoin et la nécessité de se transformer en chasseur de sentiers, en mercenaire du nouveau tracé, en explorateur de pistes inconnues, en découvreur de nouveaux petits mondes voisins.
« On ne va jamais aussi loin que lorsqu’on ne sait pas ou l’on va » - Christophe Colomb
C’est plus fort que moi, je dois sans cesse renouveler mes accès à la forêt. Connaitre l’ensemble de mon réseau sur le bout de mes doigts. Tenter de trouver une façon de relier un lieu à un autre par un sentier encore inconnu ou simplement enfoui ou dissimulé dans la masse. Donner un nouveau nom poétique à une section de forêt, un nouveau nom rigolo à une montée, un nouveau nom sans signification réelle à un segment tout neuf. Question de tout bien répertorier. De bien cartographier mes petites découvertes. Je deviens alors le cartographe des grands explorateurs de ce petit monde sans fin qui est le mien. C’est tellement satisfaisant de te croire le Christophe Colomb de ta cour arrière, de ton secteur, de ta région. Avec tes réussites et tes échecs de découvreur. Je regarde sans cesse cette carte de mon monde et je la trouve, la plupart du temps, beaucoup trop restreinte pour mon immense besoin de liberté à pied. C’est alors l’ouverture de la grande chasse aux nouveaux parcours. Devenir ton propre Professeur Lidenbrock comme dans « Voyage au Centre de la Terre » de Jules Verne. Celui qui te fait avancer vers l’inconnu, celui qui croit toujours qu’il y a quelque chose au bout des autres choses, au bout de cette forêt, au bout de cette rivière, au bout de cette colline.
« Vous ne pouvez pas utiliser une vieille carte pour explorer un nouveau monde » - Albert Einstein
Régulièrement, je regarde autour de moi les différents sommets ou dénivellation avec interrogation. Il y a évidemment les sentiers que tous connaissent, ceux qui sont bien tracés sur de belles cartes, ou même ceux pour lesquels on doit payer un droit d’accès. Mais il y a surtout tous les autres. Ce sont définitivement ces derniers qui m’intéressent le plus. Ces sentiers ou tu avances sans trop savoir ou cela va-t-il te mener. Voir même avancer sans sentier du tout. Ceux ou tu ne rencontres jamais d’autres coureurs, à peine un marcheur, mais jamais d’explorateur. La rencontre est tellement rare que tu peux faire une encoche sur ton bracelet de montre à chaque être vivant rencontré et tu n’auras pas à changer de bracelet avant une éternité, ou deux. Comme les marins comptaient les jours sans vent en gravant des encoches sur le pied de mât. Ou les coureurs des bois, le nombre d’ours rencontrés sur la crosse de leur mousquet. La seule question qui me traverse l’esprit sans cesse est comment faire pour accéder à ces sommets? Par ou passer? Est-ce que cette montagne, cette colline, ce territoire cache de nouveaux sentiers encore inconnus de ma personne? Une ile aux trésors cachée au centre de cette immensité verte n’apparaissant sur aucune carte.
« Le plus beau moment de la vie humaine est un départ vers des terres inconnues » - Sir Richard Burton
C’est alors que comme un chasseur de tornade ou un chasseur d’épaves. Tu cherches, tu recherches, tu étudies, tu explores avec toutes les informations nécessaires et disponibles sous la main. Le regard toujours vers l’horizon à scruter une nouvelle entrée possible dans cette forêt sombre et dense. Puis, plus tard, derrière l’ordinateur à analyser les cartes topographiques et routières pour essayer de trouver la faille, le lien entre deux sentiers. Peut-être le nouveau continent voisin de ta cour arrière. Trouver le passage, le détroit entre deux villages que tu n’avais pas encore aperçu dans tes recherches précédentes. Puis, sur le terrain, te laisser attirer par un nouveau secteur, un secteur intriguant, à cause de son relief, à cause de ces arbres, à cause d’une possible falaise qui fait rêver. Et quelques heures plus tard aboutir dans une érablière privée, totalement inconnue et déserte, comme dans un village fantôme du « Far West ». Avec ces toiles d’araignées partout, ces bâtiments abandonnés et ces cuves toutes rouillées. Quand tu oses jeter un regard par la fenêtre, constater que la vie s’est arrêté à un moment dans l’histoire. Une bouilloire asséchée encore en attente sur le vieux poêle à bois éteint depuis longtemps.
« Tu ne traverseras jamais l’océan si tu as peur de perdre le rivage » - Christophe Colomb
Sortir des sentiers connus pour aller te perdre un peu plus loin, au cas ou tu trouverais la perle des sentiers cachés. L’Eldorado du « Trailer ». Puis revenir sur tes pas, reprendre ta course en te disant qu’aussitôt rentré, tu devras absolument étudier ce nouveau relief sur lequel tu as posé le pied. Et avoir le profond sentiment que c’est aujourd’hui le jour de la grande découverte. Essayer par tous les moyens de découvrir un nouveau point de vue, un de ceux que tu n’as encore jamais eu la chance de photographier. Faire des plans théoriques, puis repartir le lendemain avec certaines certitudes et plusieurs doutes comme tous les grands découvreurs de ces mondes nouveaux. Suivre un tracé hypothétique sur la carte de ta montre, tenter de retrouver le sud pour rejoindre la route qui te ramèneras à ton point de départ. Parce qu’il faut bien y revenir à un moment. Plus souvent qu’autrement tu apparais tel un renard rodeur, ou un chevreuil curieux dans la cour arrière d’une demeure avec une cheminée fumante. Au beau milieu des bois. Dans cette forêt pourtant vierge, du moins c’était la rumeur, ou une hypothèse, ou c’était simplement dans ta cervelle d’enfant. Puis ensuite te rendre compte en analysant tes cartes et ton tracé, que tu étais enfin arrivé de l’autre côté de la section de forêt tant recherchée, comme si tu venais de traverser l’Ouzbékistan et le Kirghizistan pour stupidement rebrousser chemin juste avant les grandes pleines de Mongolie. Puis te dire qu’il faudra bien un jour demander l’autorisation au propriétaire pour traverser ce terrain privé pour pouvoir compléter ta grande boucle tant convoitée. Celle qui pour la première fois, comme Magellan, te permet de partir d’un côté et de revenir de l’autre côté… de l’autre côté du chalet. Celle qui te permettrait de prouver que ta terre est bel et bien ronde.
« Parce qu’au bout du compte, tu ne te souviendras pas du temps passé au bureau ou à tondre la pelouse. Va grimper cette foutue montagne » - Jack Kerouac
Le coureur de trail déteste une chose encore plus que de courir parmi les voitures bruyantes et malodorantes. C’est clairement celle de revenir sur ses pas, revenir par le même tracé, être prisonnier d’une ligne droite. Quelle platitude! Reprendre la même route au retour qu’à l’aller, c’est un peu comme manquer d’imagination au milieu d’une création. C’est alors que nait le besoin vital de créer une nouvelle « Route des Épices », ou de trouver le « Passage de Cook » entre l’ile du sud et l’ile du nord de la Nouvelle-Zélande, ou simplement d’inventer un nouveau « Détroit de Magellan » pour pouvoir te permettre de revenir par un autre paysage adjacent. Une nouvelle contrée pas si lointaine. Par un nouvel univers voisin de ton terrain de jeu.
« Sans curiosité on meurt et sans courage on ne vit pas » - Hugo Pratt
Je revendique le droit d’accès pour tous à la nature, comme certain pays Scandinave. Qui donne le droit à tous les habitants de circuler sur l’ensemble du territoire. Pas de terre interdite. Tous ensemble propriétaire de la même nature. Tous ensemble humain et animaux faisant parti intégrante de la même belle et grande nature. Notre grande nature sans frontière, le seul et unique véritable territoire. La terre. (En lien avec : https://www.ghostrunnerblog.com/post/mon-pays-c-est-l-hiver )
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