La Pierre des Titans.
25 Octobre 2020
" On ne lutte pas contre la force du destin », est l’une des citations les plus célèbres d’Eschyle. Dans ces vers, Prométhée affirme, plus exactement, qu’il lui faut supporter son destin car « on ne peut lutter contre la force de la nécessité".
J'ai souvent la vague impression que les choses se produisent pour une raison. Mais je sais au fond de moi que c’est faux et que la vie est plutôt faite de coïncidences. Il est vrai que nos efforts contribuent plus souvent qu’autrement à faire notre propre chance. Mais cela n’empêche pas certaines fatalités de débarquer sans préavis sur notre chemin. Toutes ces croyances et ces façons de voir les choses ne sont peut-être qu’une simple façon d'accepter l'incontournable. Puisque je ne crois pas non plus au destin, il me plait de croire que les circonstances (qu’elles soient prévues/destinées/hasardeuses) peuvent très souvent nous pousser à aller dans une direction oubliée, vers une idée échappée, une conviction trop longtemps enfouie, ou tout simplement nous rediriger vers la force de la nécessité.
C'est l'annulation en chaînes de toutes les courses de sentiers cet automne qui m’a propulsé dans cette bulle philosophique, les annulations à répétition m’ont fait réfléchir, m’ont fait me poser des questions que je ne me posais plus probablement depuis un bon moment. Toutes ces annulations m'ont faite me remettre en question sur les fondements même de mon activité de coureur, de coureur de sentiers, sur mon entrainement, sur ma façon de m’entrainer, sur les raisons qui me poussent à l’entrainement, comme sur la nécessité de concourir, de prendre part, de participer ou non à des événements publics et organisés.
Il y a quelques semaines de ça, je me demandais dans quel état physique j’allais arriver sur la ligne de départ du 55k du BromontUltra. L’année 2020 aura été pour moi une montagne russe de blessure et de récupération, de reprise, de maintien, de récupération et de blessure. Bromont dans les circonstances, devenait le seul événement organisé possible à garder à mon calendrier annuel de coureur. J’avais passé l’année à décaler mes présences aux différentes courses à mon l’agenda, à réduire constamment les distances prévues, en espérant finalement récupérer magiquement de toutes ces blessures pour arriver presqu’en forme à cet unique événement automnal. Et puis BOUM! Les conditions sanitaires du moment force les organisateurs du BromontUltra à annuler complètement l’événement.
Long silence… Réflexion…
C’est un signe, c’est le destin, c’est un doigt pointé dans une direction… mais quelle direction. Rien n’arrive pour rien, même si je n’y crois pas trop. Après tous ces mois d’entrainements, de blessures, de récupérations, de blessures et d’entrainements, il fallait pourtant bien un truc au bout, une carotte au bout du bâton, une cerise sur le Sunday, sinon pourquoi tout ceci?
Et puis pourquoi faudrait-il quelque chose au bout impérativement?... Je n’ai absolument rien à prouver à qui que ce soit, sauf à moi-même…
Une question c’est alors mise à tourner dans ma tête, comme un bout de papier qui traverse lentement la rue dans la brise du soir, puis comme une feuille morte qui part et qui revient infiniment entre l’océan et la falaise, puis finalement comme une plume qui s’élance en parfaite spirale dans la trompe puissante d’une tornade. Pourquoi la compétition à tout prix? Pourquoi courir contre ou aux coté d’autres coureurs? Pourquoi courir devant du public agglutiné le long des lignes de départ et d’arrivée? Est-ce pour cela que je m’entraine douze mois par année, sept jours par semaine? J’en doute profondément, si oui c’est alors que je me suis perdu en chemin.
J’aime tout simplement courir, j’aime par-dessus tout courir dans la forêt et sur la montagne, j’aime la distance, j’aime la solitude et le défi que procure cette activité. J’aime l’entrainement. J’aime tout ce que demande les longues périodes d’entrainements. J’aime être mon coach, autant que l’athlète, autant que mon physio et que mon nutritionniste. J’ai besoin de peu, je suis assez minimaliste dans mon bonheur en quelque sorte. Je n’ai donc besoin de rien d’autre qu’un sentier, une paire de chaussures, ma volonté et plein de kilomètres à parcourir pour pouvoir m’épanouir pleinement de mon activité. Bien évidemment la course en événement public apporte son lot de sensations fortes, son boost d’adrénaline et de claques dans le dos qui vous font grimper les plus redoutables ascensions. Mais la course d’endurance en solitaire apporte, elle, son lot de paix et d’introspection et de satisfaction personnelle. À l’entrainement, je fais tout, tout seul, toute l’année. Je pars seul, je me motive seul, je souffre seul, je vois des paysages magnifiques seul, je me gèle les doigts seul, je suis le seul fantôme derrière ma lampe frontale. C’est définitivement un bonheur solitaire que je partage pleinement avec moi-même. Toutes ces réflexions ont tourbillonné dans ma tête pendant un certain temps et j’en suis venu à la conclusion qu’il était plus que temps de retrouver mon propre Phidippidès. Cet homme célèbre pour un exploit à la course qu'il aurait effectué lors de la première guerre médique en 490 av. J.-C.. Selon Hérodote, Phidippidès aurait parcouru environ 250 km en 36 heures, seul, pour rejoindre Sparte depuis Athènes et demander de l'aide. Loin de moi l’idée de me lancer dans une course aussi longue qu’un Spartathlon pour le moment, mais le fait est que, je devais impérativement renouer avec la course au long cours en solitaire, sans médaille, sans applaudissement, sans rien… Juste un homme dans la forêt à la course.
Il me fallait être seul au monde. Courir, longtemps et tout seul. C’est la base même de mon activité de coureur. C’est comme ça que j’ai commencé à courir en forêt et c’est comme ça que j’ai aimé profondément cette activité. Il me fallait un Plan « B » pour remplacer Bromont, un plan seul au monde. J’ai donc tout simplement tracé un trajet de 55km, comme Bromont et 2200 mètres de dénivelé positif, comme Bromont. J’ai fait quelques provisions. Puis mon amoureuse est venue me déposer au point de départ alors que l’aube commençait à peine à pointer le bout de son nez. C’est une drôle de sensation de rouler en voiture de nuit, regarder par la fenêtre les arbres, les sommets et la route défiler, puis se dire que dans quelques minutes je ferai exactement cette même distance, dans la forêt et sur le dos des montagnes, avec comme seul moyen de transport mes jambes, une petite réserve d’eau et quelques quartiers d’oranges. En l’expliquant, j’arrive bien à concevoir que certain « Moldu » puisse trouver là une certaine trace de folie. Mais de l’autre côté quand tu as gouter à ce fruit, à cette façon de vivre et d’avancer, tu te dis qu’ils sont fous quand même les gens de ne pas essayer. Puis, finalement en regardant toujours par cette fenêtre de voiture dans la nuit, n’éprouver qu’un simple bonheur, ne ressentir aucune inquiétude. Au contraire, se sentir profondément en vie et plein de bon sens. La voiture s’arrête dans la pénombre. C’est ici. Sans trop de cérémonie je me prépare, mon amoureuse regarde la forêt et le ciel puis me dit « Ce sera une belle journée! ». En deux minutes, je suis prêt, un bec, une tape sur une fesse et un « Tu es courageux mon chéri! », puis me voilà allongeant les premières foulées de cette longue journée, seul au monde vers Sparte comme Phidippidès.
C’est parti, sans tambour ni feux d’artifices, sans annonceur ni public en délire, juste de la forêt dense et un coureur dans l’aube automnal. Les premières sensations sont bonnes, le pied léger et l’esprit serein, je m’enfonce encore dans cette forêt boréale, une fois de plus. Dans des sentiers qui me sont totalement inconnus jusqu’à aujourd’hui. Des kilomètres inexplorés devant moi qui ne demandent qu’à être courus. Rapidement, je m’attaque à la première montagne, bref le temps de lire l’affiche qui annonce le sommet et puis le mont est déjà passé. Je n’ai jamais vu une montagne disparaitre aussi rapidement. On ne parle pas ici du Mont Olympe, aux sommets invisibles, cachés aux mortels, Olympe le lieu de villégiatures ou les dieux faisaient la fête à l'ambroisie qui les rendaient immortels, arrosée du fameux nectar divin. Je ne suis clairement pas tombé par hasard dans la cour des dieux. Il faudra penser à lui retirer le titre de Mont sur les cartes à ce monticule.
Dans quelques kilomètres, après une première heure de course, je dois retrouver mon amoureuse pour le premier ravitaillement, à l’intersection d’un chemin de VTT et du sentier national. J’y arrive, j’ai l’impression que le temps s’est envolé, j’ai l’impression que je viens tout juste de quitter le point de départ. Je ne trouve pas l’intersection qui se trouve sur la carte. Je finis bien par trouver un chemin, avec un pont effondré qui passait jadis par-dessus la rivière. Mais aucun signe de ma conjointe. Elle m’écrit qu’elle ne trouve de son coté, aucun chemin en bordure de la route. Je continue à chercher un autre accès le long du sentier, rien, en fait je m’éloigne du point de rendez-vous. Ce n’est pas bien grave. Je prends la décision de laisser tomber ce ravito, prochain rendez-vous dans quinze kilomètres. Il faut ce qu’il faut, il faut avancer. C’est reparti, je m’attaque à l’ascension du Mont Grand Corbeau. Ça monte bien, la mécanique fonctionne parfaitement, je progresse, sans douleur ni souffrance, ç’est roulant comme j’aime. Le paysage est magnifique. Courir sur la crête au sommet de ces montagnes laisse une empreinte aérienne à l’esprit, comme poussé par Borée le dieu du vent du Nord, frère d’Euros à l’est, de Zéphir à l’ouest et de Notos au sud responsable du grand déluge de Deucalion commandé par Zeus.
Puis j’attaque une longue descente de sept ou huit kilomètres très rapides qui me mène au deuxième point de rendez-vous prévu, à un pont suspendu. Les paysages défilent et changent rapidement d’aspect. Quelques kilomètres avant le pont suspendu, je croise une section de sentier longeant une jolie rivière avec de magnifiques torrents et rapides sur toute sa longueur, j’aurais pu être en train de courir sur un autre continent, dans un autre pays, en Amazonie, ou en Asie et j’y aurais cru. J’arrive pleine balle au fameux pont suspendu. Une famille de randonneur est déjà installée au centre du pont et admire le majestueux décor. J’arrive comme Arion le coursier divin à la crinière verte, qui pouvait galoper à la vitesse de la lumière sur n’importe quelle surface. Entrant à Athènes triomphant. Je suis Arion qui arrive de la forêt boréale au grand galop pour traverser cette rivière divinement belle. C’est seulement après quelques foulées que je réalise que la famille fuit le pont par l’autre extrémité comme si Arès dieu de la guerre venait de sauter sur le champ de bataille dans un nuage de poussière, pour me rappeler que c’est bel et bien un pont suspendu. Et qu’un cheval au grand galop sur un pont suspendu c’est un peu comme un 8.7 sur l’échelle de Richter. Trop tard Arion le divin coursier à la crinière verte a déjà fait fuir toute la contrée. Je prends donc quelques secondes pour admirer seul cette rivière et son majestueux pont, qui rebondit comme un trampoline encore après quelques minutes. Je relance la machine. Je déboule comme une furie, les canons dans leurs affûts et le couteau entre les dents dans le stationnement, ou je dois retrouver mon amoureuse. Pas d’amoureuse. Je regarde ma montre je suis quinze minutes en avance sur le plan. J’entends dans mon dos « Cela s’est bien passé? ». C’est la première voix humaine que j’entends depuis presque trois heures de course. C’est la femme qui fait payer le droit d’accès au pont. Je lui réponds que cela se passe très bien, mais que je suis encore loin de mon point d’arrivée. Elle me pose des questions, « Tu es parti d’ou? », « Tu vas jusqu’ou comme ça? », après ma dernière réponse elle me dit, « En courant? », et moi de répondre « Euh ben oui! ». C’est alors que je lui demande combien je lui dois pour mon passage sur le pont trampoline… Elle m’a simplement regardé avec un air rieur et me dit, « Je pense que pour toi aujourd’hui le passage sera gratuit! Bonne route! ». Bonne nouvelle, mais mon amoureuse n’arrive toujours pas. J’essaie de lui téléphoner sans succès. Je ne veux pas rester là à attendre et à refroidir la bête. Alors je décide de lui donner rendez-vous au prochain point de rencontre, dans seulement quelques kilomètres.
C’est reparti avec une belle ascension, bien abrupte et bien rude. Le soleil commence à chauffer également. C’est bon. Je me sens bien, les sensations sont bonnes, ça roule quand il faut que ça roule, ça monte quand il faut que ça monte, et ça descend quand il faut que ça descende. Mes réserves de liquide sont presque vides, c’est normal, j’ai sauté les deux seuls ravitos prévus sur la première section de parcours. J’arrive toutes voiles dehors, vent arrière, au troisième point de rencontre. Mon amoureuse est là avec deux de mes filles et Peyo notre fidèle Épagneul Breton. C’est toujours bon de les voir. C’est toujours apaisant de voir des visages connus, même pour un coureur solitaire. Je me change presque entièrement, la température a bien augmenté depuis mon départ, il y a environ quatre heures, c’est comme une nouvelle saison. Je fais le plein de liquide, tous les réservoirs sont remplis pour la suite. Je fais également le plein d’orange et de quelques morceaux de chocolat et en vitesse j’engouffre littéralement une banane.
Et me voilà reparti dans cette nouvelle section de sentier. Section reconnue pour être une dure et agressive ascension. J’y vais d’une bonne foulée, d’un pas assuré, d’un pas de guerrier, d’un pas de spartiate. Effectivement, je constate rapidement que cela monte bien et longtemps. Plus je monte plus je sens mes tendons d’Achille commencer à bruler des deux cotés. Quelques kilomètres à ce régime suffisent à semer un doute dans mon esprit. Ma dernière blessure en lice était une tendinite des deux tendons d’Achille, et cela fait déjà plusieurs semaines que j’essaie de m’en remettre. Les choses allaient de mieux en mieux, même si je savais au départ de cette sortie que mes tendons n’étaient revenus pas à 100%. Bref, j’ai déjà dépassé la mi-parcours depuis quelques kilomètres, quand je finis par rejoindre un sommet avec une vue à couper le souffle sur les trois Lac du Castor. C’est majestueux. Le parcours continu de monter encore et encore, mes tendons d’Achille m’abandonnent. J’ai mal à chaque pas, chaque foulée devient un peu comme si on me plantait une flèche dans les talons.
Achille, grand héros de la guerre de Troie. Fils de Pélée et de Thétis. Sa mère le plonge dans le Styx, l'un des fleuves des Enfers, pour que son corps devienne invulnérable ; son talon, par lequel le tient Thétis, n'y est pas trempé et reste celui d'un mortel. Lors de la dixième année du conflit, une querelle avec Agamemnon le pousse à quitter le combat. La mort de Patrocle le pousse à reprendre les armes pour affronter Hector, le meilleur des Troyens. Achille trouve la mort peu après l'avoir tué, atteint au « Talon » par une flèche de Pâris guidée par le dieu Apollon.
Je suis Achille et je meurs d’une flèche au talon. Je piétine de mon mieux en montée, je trotte sur le plat et j’arrive encore à courir en descente. Mais les descentes sont tout simplement inexistantes. Tout me mène vers le haut, vers les nuages, vers l’olympe j’imagine. Je révise mon itinéraire, pour prendre connaissance de mes options. Il y avait un sentier de sortie d’urgence un peu plus tôt, que j’ai laissé sur ma droite. Au moment de croiser ce sentier je n’étais pas prêt mentalement à sortir de cette aventure. Je ne le suis pas plus quelques kilomètres plus tard, pas question de faire demi-tour. J’arrive à avancer, comme une tortue, mais j’avance. Je me sens comme une voiture de « Rallye » qui essaie de terminer sa course avec deux crevaisons. C’est faisable, pas l’idéal, pas agréable, mais faisable. Je dois absolument me rendre à Sparte. Je contacte quand même ma douce pour lui annoncer que notre prochain point de rencontre, dans une douzaine de kilomètres, sera notre dernier pour aujourd’hui, ce sera le nouveau Sparte. Je dois raccourcir mon parcours, je ne veux pas hypothéquer le reste de ma saison en aggravant une blessure stupidement. Il me reste encore les deux plus gros sommets de la journée à passer avant de pouvoir me laisser descendre par gravité jusqu’à l’arrivée. Le moral est un peu à plat je dois l’avouer, je suis inquiet pour mes tendons et surtout je n’avance pas, c’est bien pire, c’est pire que tout. Tout me parait interminable. Je suis Achille qui meurt à petit feu.
La suite est un long chemin de croix. Et comme je n’avance pas, le temps passe, et plus le temps passe plus mes réserves de liquides diminuent. J’avais calculé le tout pour un corps en déplacement, pour un coureur en course, pas pour un escargot en balade. Je termine toutes mes réserves et je sens la soif m’envahir. Je commence à me déshydrater. Je dois très rapidement trouver de l’eau, ou la fin de ce parcours sera encore plus difficile qu’elle ne l’est déjà. J’en suis presque à implorer Poseïdon souverain du monde aquatique quand je découvre une superbe cascade, d’où s’écoule une eau fraiche et limpide, c’est mon Styx à moi, mon fleuve des enfers. Le bonheur est toujours dans les petites choses de la vie. Des gourdes pleines d’eau fraiche et tout reprend vie, tout reprend forme.
Je finis par parvenir à grimper le point culminant du trajet, mon olympe du jour, toujours sur mes deux crevaisons qui m’empêchent de courir en montée. Je rêvais de ce moment depuis plusieurs kilomètres, puisque je savais qu’à partir de ce point j’allais maintenant descendre simplement jusqu’à l’arrivée. Au moment de prendre le sentier vers la descente salvatrice, j’entends dans mon dos un énorme coup de tonnerre. Je me retourne et découvre que je suis poursuivi par un ciel noir d’encre, une ombre immense qui se cache de l’autre coté du sommet ou je me trouve. C’est Zeus lui-même le dieu des dieux, celui qui a chassé les Titans de l’Olympe qui est à ma poursuite. Je sais que je n’ai aucune chance au combat, il ne me reste que la fuite. C’est alors que démarre une véritable chasse poursuite. Avoir Zeus en furie dans le rétroviseur est définitivement une motivation hors norme. Il me faut descendre au plus vite. Je déboule le sentier de l’Albatros comme une furie en plein vol, une furie rasant les toits de chaumes, évitant les clochers. Mes deux crevaisons acceptent de me laisser descendre à pleine vitesse, en fait je n’ai pas posé la question. Le dieu des dieux continu de marteler l’horizon de ces milles feux. Je glisse tellement rapidement vers le bas que mes tympans se bouchent comme en perte d’altitude en plein vol. Je sens que j’arrive. J’y suis presque. J’y suis enfin, voilà Sparte à l’horizon. C’est tranquillement le retour à la civilisation, des chaumières, des chalets, des humains, des enfants. Je retrouve même le bitume, je sens mes chaussures s’y agripper comme si à chaque pas des plaques de bétons entières s’arrachaient du sol. Le ciel est entièrement noir, j’en ai même perdu mon ombre. Puis voilà, mes enfants, mon chien et puis mon amoureuse qui m’accueille de son sourire légendaire. Je m’assois finalement dans la voiture au même moment ou les premières gouttes d’un orage titanesque s’effondre sur nous.
Une pinte d’ambroisie et son doux nectar à mon arrivée au chalet comme seul et unique récompense matérielle. Le sourire de mon amoureuse qui ne semble plus surprise de rien. J’ai finalement déjoué Zeus et sa colère dans la grande descente de l’Albatros. Ce n’est que ça courir, et c’est en même temps tout ça. Ce sentiment de grandeur d’esprit, de petitesse face aux éléments et d’immense simplicité entremêlées. Ce fut donc 42km au lieu des 55km prévu au départ. Les dieux n’auront pas complètement eu raison de moi aujourd’hui. Achille est mort mais Phidippidès lui, est arrivé sain et sauf.
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