L'appel du résineux.
25 Mars 2020
Dans les derniers jours, j'ai fait la connaissance de ce que j'ai nommé "Le Triangle des Bermudes du Pied Gauche". Je me doutais depuis un moment que je négociais avec différentes douleurs et/ou sensations dans la région avant de mon pied. Mais depuis quelques temps tout ceci se précise un peu mieux. Je nomme "Le Triangle des Bermudes" la région située entre mon gros orteil, le centre de mon coup de pied et mon petit orteil. Pour comprendre tout ça, en temps normal, nous allons voir des spécialistes. Mais en période de pandémie mondiale, les spécialistes du monde entier sont un peu débordés. Je dois donc me transformer en Docteur Ghost Runner et m'occuper de mon cas moi-même. Ma radiographie ou IRM devra attendre calmement la fin du Covid19.
Bref, tout les jours j'y vais d'une nouvelle déduction et ce depuis des semaines. Recherche sur le web, recherche d'article, dans des livres de courses, de médecine. À la recherche de ce qui pouvait bien se passer dans ce fameux pied gauche. Mais il faut quand même l'avouer, le temps fait quand même bien les choses. Puisque je crois que ma fracture de stress est rétablie. Du moins après presque vingt semaines de repos, j'ai la sensation que la chose est resoudée, pas de grande conviction, mais bel et bien de bonne sensation. Ce qui me permet de me concentrer sur le reste de mes impressions concernant le dit triangle. Zone qui n'était qu'une grande et même douleur à l'avant du pied il y a encore quelques semaines à peine.
Je n'ai encore jamais parlé de la genèse de cette blessure. Tout a commencé l'été dernier, en Juillet, ou j'étais au sommet de ma forme, comme à tout les printemps. Prêt à attaquer ma saison de trail. Je participais au 42k Xtrail de Saint-Donat. Superbe course, très bon feeling, tout se déroule comme je le souhaitais. Les kilomètres passent plus vite les uns que les autres et comme cela se produit assez régulièrement en sentier, mon pied heurte une grosse roche. Je me fracasse le gros orteil gauche très violemment, directement sur le bout du pied. Assez pour que je prenne une petite minute, peut-être seulement un éternel trente secondes pour évaluer le choc. Je m'arrête à peine, mon cerveau scanne mon corp entier, comme dans Robocop. Au final, j'opte pour possiblement un orteil cassé. Je fais quelques pas, j'arrive à tenir dessus, je fais quelques foulées, j'arrive à courir apparemment, avec de la douleur, mais bon cela semble fonctionner. Alors, je continue à mettre un pied devant l'autre comme toujours. Ma course se déroule très bien, super content de tout, de mon classement, de la météo, de ma famille qui m'attend à l'arrivée, de la bière qu'on m'apporte pendant que je m'installe pour récupérer un peu. Je retarde au maximum le moment de me déchausser car j'ai une certaine appréhension. Je crains qu'en retirant ma chaussure, je découvre mon pied en sang ou alors une bosse énorme à l'endroit ou se trouvait mon gros orteil avant le choc fatal. Bref, il faut bien y arriver, je suis couvert de boue, impossible de rentrer en voiture comme ça. Je n'ai encore rien dit à personne, question de garder le suspense. Je retire ma chaussure… Rien en vue… Ah bon!… Je retire la chaussette… Rien de rien… Pas de sang, pas d'ongle arraché, pas de sang, pas de bleu, pas d'orteil éclaté, juste rien. Alors tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je rentre donc au chalet, profiter du feu de camp, de quelques bières, de mes proches et du bonheur sacré de savourer la ligne d'arrivée d'une course ou tu t'es encore une fois totalement surpassé.
Je reprends l'entrainement le lendemain matin à l'aube. Même si comme toujours j'avais prévu quelques jours de repos post compétition. J'ai un peu mal à mon orteil en courant, mais comme tout le monde le sait, les douleurs en course sont fréquentes et toujours un peu différentes au quotidien. Surtout que ce gros orteil, celui-là même, le gauche, je l'avais bien fracturé trois ans plus tôt. Dans un superbe match de Volley-ball sur une plage de Cuba. Un match très enlevant évidemment, un match plein de sens et de rivalité, avec une bande de joyeux lurons rencontrée à la piscine. Sous un soleil de plomb, avec comme seul hydratant, une bouteille de rhum brun, cubain… J'imagine... Donc un jour, tu arrêtes de trop donner d'attention à ce genre de douleur un peu récurrente et banale. Mais les choses changent doucement dans les semaines suivantes, la douleurs de l'orteil semble irradier vers le centre de mon pied. Et dans les semaines suivantes la douleur se précise au centre du pied. Rien de bien vilain. Mais c'est une douleur que je ne connais pas. Clairement, c'était ma fracture de stress qui s'installait. Après coup, avec Hugues, nous avons déduit, que sans le vouloir j'avais compensé la position d'impact de mon pied au sol, pour soulager mon orteil, et ce faisant, j'ai augmenté considérablement le stress et la charge sur le centre de mon pied. Je travaille beaucoup, voir beaucoup trop pendant cette période. Je passe mon temps à retarder le moment ou je devrai aller consulter mon physio pendant mon seul et unique jour off par semaine, qui évidemment tombe sur une journée ou mon physio ne travaille pas. Et puis, quelques part au mois d'Août, lors d'une grosse séance au seuil, une douleur extrême apparait. Comme si on venait de me planter un clou de six pouces bien rouillé en plein centre du pied. Les mêmes clous que mon père avait utilisés pour bâtir notre chalet en bois rond au Lac Clair en 1975. À partir de cette période, une nouvelle douleur s'ajoute entre mon orteil central et son copain juste à l'extérieur. "Le Triangle des Bermudes du Pied Gauche" est maintenant complet, nous y sommes. Je lève donc le pied de l'accélérateur pour les semaines suivantes. Mais évidemment, je n'arrête pas de courir, je diminue grandement mon volume et je réduis quand même l'effort en attendant d'avoir deux minutes à moi pour rencontrer mon physio. Rendez-vous qui n'aura pas lieu pour diverses raisons du moment. Bref, je me retrouve à Paris en Octobre-Novembre pour le contrat suivant dans ma saison de travail. Je continue de négocier avec la douleur qui semble stable, disons que c'est gérable. Je prend quand même la peine d'aller m'acheter une paire de Hoka SpeedGoat près de Bastille, beaucoup trop cher en euros, qui avec leur monumental coussin de "foam" devrait laisser un peu de répit à mon pied. Effectivement, mes Hoka me donne un genre de répit. Mais je les déteste déjà. Trop gros, trop haut, pas beau, pas de contact au sol, pas de contact avec la planète terre. Mais assez de répit pour que je me dise que tout va mieux, ou que tout semble aller mieux. Je peux donc augmenter à nouveau le volume… doucement évidemment… Et voilà, vous venez de comprendre comment fonctionne le cerveau d'un coureur. Il ne fonctionne pas de façon rationnel, comme dans 2 et 2 font 4. Non. Pas comme le cerveau de ces "Moldu" qui ne courent pas. Il ne fonctionne qu'en distance, en allure, en dénivelé et en fréquence cardiaque. Et si le corp peut humainement continuer, on continue, tout simplement. Bref, la suite appartient à l'histoire. C'est à mon retour au Québec que je prends mon premier rendez-vous avec Hugues, mon physio sportif... (En voici le récit si vous n'avez pas commencer par là) https://www.ghostrunnerblog.com/post/premier-rendez-vous
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