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Courir Ailleurs…!

Autres décors, autres couleurs.

28 Mars 2020


Je reprends doucement mon rôle de coureur. Rôle mis en pause depuis déjà beaucoup trop longtemps. Un jour à la fois. Un kilomètre à la fois. Une sortie à la fois. Un jour de récupération à la fois. Simplement un pied devant l'autre comme toujours. Je trouve évidemment que mon volume de course actuel est vraiment trop timide, par rapport à ce que j'ai l'habitude de faire. Mais c'est la définition même d'une reprise progressive. Chaque kilomètre est simplement un pur ravissement pour l'esprit, un peu plus dur sur le corp, mais ça, c'est dans la nature même des choses. C'est toujours la même torture que celle de revenir d'une blessure. Je me dois de garder en tête que le pire qui puisse arriver à un coureur au retour d'une pause forcée comme celle-ci. C'est évidemment de se reblesser en essayant de tout faire trop tôt ou trop vite. Alors, il ne reste qu'à prendre le temps qu'il faut. S'armer de patience, être zen, encore une fois.


Je m'arme donc de toute la patience du monde disponible dans l'athlète obstiné que je suis. Et je prends le temps de bien faire les choses. Je prends le temps de regarder et de sentir les choses aller. J'avoue que par les temps qui courent, c'est plutôt dans l'air comme activité. Le confinement à une tendance à nous rendre un peu contemplatif et observateur du monde qui nous cerne. Et donc se faisant, quotidiennement mon fil d'actualité Facebook me remémore des souvenirs de l'an dernier. Et il y a exactement un an, en Mars 2019 j'étais en voyage. En vacances, avec ma femme et mes filles. Très loin, de l'autre coté du globe terrestre. En Thaïlande. Et définitivement courir en voyage est très certainement l'activité qui m'excite le plus. C'est à mon avis, le geste le plus inspirant et le plus simple qu'un coureur puisse poser. C'est définitivement joindre le rêve et l'aventure dans un seul geste réel et concret. Depuis plusieurs années, j'essaie de courir dans tout les pays ou j'ai la chance de voyager, pour le travail ou par loisir. Et tous ont quelque chose de différents à offrir. Courir dans un pays étranger demande une bonne dose de curiosité et d'insouciance. Puisque cela implique de se perdre, de suivre son instinct, de se lancer vers des routes douteuses, des quartiers inconnus des touristes. Et donc croiser des habitants qui se questionnent sur ta présence et très souvent sur ton activité. Cela implique de faire des rencontres involontaires et surprenantes. Courir ailleurs c'est circuler dans des endroits ou tu ne devrais pas aller ou du moins, ou peu d'étranger vont. Rebrousser chemin, ou faire la rencontre de gens ou de choses que tout le monde aurait voulu éviter. Mais je dois dire que c'est surtout l'opposé qui prédomine, de belles et fabuleuses découvertes, inspirantes et inspirées. Pour un photographe amateur comme moi, courir et voyager, est simplement le croisement parfait entre l'activité physique et artistique. Je suis certainement un "Courographe" ou un "Photocoureur" j'imagine. Aller chercher la photo ou personne ne l'avait imaginé. Au bout d'un sentier qu'aucun "Moldu" n'utilise. Aller dénicher "La" photo en cumulant des dizaines de kilomètres, c'est pour moi clairement le summum du bonheur et de la satisfaction.


Voyager à la course c'est, partir un premier matin à l'aube et réaliser que tu vas courir à 36 degrés celcius avec un taux d'humidité de 94% pour le prochain mois. C'est clairement autre chose que mes course du mois de mars dans Lanaudière. Puis partir sur une simple route, entourée d'une forêt dense d'arbres inconnues et de palmiers de toutes sortes. Aligner les kilomètres et avoir l'impression de respirer de l'eau. L'air est tellement humide que je suis convaincu d'avoir des bulles d'océan dans les poumons. J'ai la perception d'entendre le bruit des bulles d'une "Shisha" aspiré par un fumeur assis les jambes croisées, dans mon propre corp. C'est fabuleux et sauvage. Je réalise combien je suis loin de ma forêt boréale et j'adore ça. Je me sens vivre à 100%, et ce, à chaque pas. Chaque pas devient un nouveau pas dans l'inconnu. Croiser des gens qui vivent dans des cabanes avec ni porte, ni fenêtre. Assis en famille par terre. Croiser des mamans avec leur quatre enfants sur un scooter, dont un bébé en bandoulière sur la poitrine. Sentir un bonheur immense quand des habitants t'envoient la main, d'un air heureux et gratifiant. Arriver dans un village inattendu et choisir une direction au hasard, simplement à l'instinct et te rendre compte que tu as eu une sacrée inspiration, quand tu découvres une plage du "Mueang", aux couleurs franchement improbables.

C'est repartir un autre matin, toujours aussi chaud et humide. Sentir des odeurs de forêt qui te sont encore obscures. Sentir les fruits qui bordent ton trajet. Traverser des ponts sur des rivières encore inexpérimentées. Te retourner un instant pour admirer le paysage et te rendre compte, que juste là, juste à coté, il y a une colonie de singes en train de faire la baignade dans cette même rivière que tu t'apprêtes à traverser.

C'est aussi, toujours partir à l'aube pour profiter de la supposée fraicheur du matin. Comme quoi tout est toujours très relatif à la donnée de comparaison. Laisser le soleil t'émerveiller encore une fois, une fois de plus. En te dévoilant des tableaux toujours plus beaux et plus sauvages les uns que les autres. Des tableaux dignes de tout les récits d'aventure des livres de ton enfance. Tout ces livres, avec ces images fabuleuses. Ceux-là même qui ont formé le voyageur que tu es aujourd'hui.

C'est aussi, prendre à gauche et longer une route, bordé de petit commerce, bordé de gens qui vivent à l'aube comme toi. Devenir un explorateur de ton propre petit nouveau monde. Élargir tes connaissances du territoire qui s'offre à toi. Tout comme les grands explorateurs dont tu as lu tellement de récit depuis toujours. Voir et sentir tout les animaux que tu surprends sur ton chemin. Te demander quand vas tu croiser ton premier serpent ou quand croiseras-tu un animal que tu n'imagines même pas arpenter cette jungle. C'est tout les jours, ajouter un nouveau tracé sur ta carte personnelle de découvreur. Te laisser interpeler par un petit panneau qui indique "Fisherman Village", prendre une nouvelle direction et découvrir un endroit directement sorti d'un vieux film de guerre d'Indochine ou du Vietnam.

C'est aussi, t'arrêter entre deux petits bâtiments qui ne ressemblent à rien. Qui ne présage de rien. Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences. T'aventurer encore un peu plus dans l'interstice entre deux maisons, savoir déjà qu'il y a un petit trésor au bout et te laisser happer par la carte postale qui explose devant toi. Te dire que personne ne va croire aux couleurs de la fresque qui te fait face. Mais peu t'importe, prendre le temps d'imprimer les couleurs dans ton esprit, puis prendre une photo, comme on place un "Inukshuk" en expédition, pour marquer ton passage et remercier la beauté.

C'est pousser plus loin un matin. Pour étancher ta soif de splendeur. Agrandir ta map monde, qui déjà se fait trop petite pour ta grande soif de grâce et de nouveauté. Traverser plusieurs nouveaux villages et de nouvelles forêts, tous et toutes différents de ceux déjà croisés. Passer par le grand Boudha, ou tous les touristes s'agglutinent les uns sur les autres. Quand toi tu t'émerveilles de tout les détails que tu peux apercevoir sur ta gauche comme sur ta droite dans ta démarche sautillante. Comme ce petit coin perdu qui ne demandait rien à personne et qui n'attendait que d'être photographier par un illuminé à pieds.

C'est également arriver sur une nouvelle ile. Et pendant ta toute première nuit, rêver à tout le dénivelé que tu as observé la veille, en prenant un Tuk-tuk du port de Thong Sala jusqu'à l'hotel. Rêver à l'ascension de tout ces cols tous plus vert les uns que les autres. Te lever encore plus tôt à l'aube de ce matin là. Prêt, comme si je me dirigeais sur la ligne de départ d'un Ultra. Avec les papillons au ventre tellement j'ai hâte de découvrir cette nouvelle ile majestueuse et sauvage. Il n y a qu'un seul moyen de sortir du domaine de l'hotel et c'est évidemment le même par ou nous sommes arrivés. Une montée très abrupte, je peux presque poser les mains au sol tellement la pente est raide. En arrivant en haut, j'arrive sur un plateau, haletant, je sors du domaine. Surprise! Je ne suis pas seul, j'arrive face à face avec un chien dans le premier virage qui grogne. Il est penché sur ses pattes avant et semble très résolu à ne pas me laisser aller explorer son ile. Je lui parle doucement et calmement. Un deuxième arrive et reste un peu à l'arrière. Même attitude. En quelques secondes, une meute d'une quinzaine de chiens errants me bloquent la route. Tous grognent et jappent. J'avoue que je commence à me sentir un peu en danger. Je me dis que si un seul des molosses décide d'attaquer, je vais finir en Pad-Thai pour chiens errants. Je tente de leur crier dessus. J'essaie de les contourner, sans succès. Je me dis que ce sont les mêmes chiens débiles qui vivaient dans mon rang à Vassan. Ces mêmes chiens qui m'avaient obligés à courir avec un batte de baseball dans le dos dans ma jeunesse. Je regrette même mon poivre de cayenne avec lequel je cours au Québec depuis ma rencontre avec une famille d'ours en forêt. Bref, je n'ai ni batte, ni poivre de cayenne. Puis j'entends un autre groupe de chien tout aussi sympathique qui s'approche plus loin sur le chemin. Malheureusement, après un vingtaine de minutes d'essai. Je dois finalement me résoudre à oublier mes sorties à Ko Pha Ngan. Si c'est comme ça à deux pas de l'hotel, je n'ose même pas imaginer ce que qui m'attends dans les coins les plus obscurs de l'ile. Je retourne l'air déçu et la mine basse à l'hotel. Mais plutôt heureux d'avoir encore tout mes membres encore intacts. Je me décide à aller faire des intervalles sur notre plage à Salad Bay, question de courir malgré tout. Plage, qui depuis notre arrivée me donne l'impression d'être assis au coté de Corto Maltese une cigarette fumante au bec sur des terres jadis arpentés par le grand Hugo Pratt lui-même.

Voyager à la course c'est aussi juste courir vers là, pour aller ici, en empruntant un chemin secret qui mène quelque part, ou peut-être pas. C'est peut-être revenir sur ses pas, pour réaliser qu'un détail majestueux t'avait échappé à ton premier passage. Ou comme les paysages en bord de mer qui changent complètement de personnalité à marée basse et retrouve leur intimité à marée haute. C'est redécouvrir un tableau, simplement parce qu'il est dans un contexte différent. Le même tableau avec d'autres couleurs, c'est possible.


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