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L'Ordinaire...!

Matin et Humidité.

13 Juin 2021


« L’aventure est un événement qui sort de l’ordinaire, sans être forcément extraordinaire. »


En décembre dernier j’avais décidé de courir durant 24 heures, dans la neige, dans les sentiers, dans le froid, dans la montagne. (24h Chrono...! (ghostrunnerblog.com) C’était à la base pour amasser des fonds pour une bonne cause. Puis inévitablement cela est devenu une affaire personnelle. Cela finit toujours par devenir une affaire personnelle. Suite à ce 24 heures de défi, où j’étais un peu resté sur ma faim, et où j’avais passé plus de temps à négocier avec mes blessures qu’à courir. Je m’étais promis de tenter à nouveau l’aventure, mais en été. Question de voir ce qu’il m’était possible de faire sans cette neige et ce froid.


Le projet est fortement inspiré du Backyard Ultra du non moins célèbre Lazarus Lake (Barkley Marathon). Une boucle de 6.66km et de 220 mètres de dénivelé, partant de mon chalet, et revenant à mon chalet, à faire toutes les heures, disons durant le plus d’heures possible. Du moins c’est le plan. Le projet reste un peu évasif. Je veux que ce projet devienne simplement extraordinaire. C’est le grand avantage d’être l’organisateur, le directeur, l’officiel de parcours et le seul et unique participant, la possibilité d’être totalement évasif sur tous les points.


Il est 7h00 du matin et me voilà dans les sentiers, avec le soleil, la brume, les maringouins et toute la sérénité de cette forêt tranquille qui s’éveille à son rythme, et pour laquelle je ne suis qu’un élément parmi tant d’autre, un simple atome en déplacement, un simple atome courant.


J’adore la simplicité de ce genre de départ. C’est comment dire, « Vraiment spécialement ordinaire ». Poser les pieds au sol, simplement un pied devant l’autre, est un geste tellement dépourvu d’artifice de par sa nature pratique, qu’il est impossible de croire que cela pourrait devenir extraordinaire et poétique.


(Sur toute la durée de cette sortie que je savais potentiellement longue. J’ai enregistré des capsules vocales, sur le dictaphone de mon téléphone, tout en courant. Ce qui fait de ce texte plutôt une succession de pensées un peu anarchiques et moins poétiques en opposition à un récit littéraire bien structuré et philosophique. L’idée étant de s’approcher le plus possible de la pensée du coureur en temps réel)


Vocal 001.m4a -

« Bon départ, les sensations sont bonnes, les jambes sont bonnes et puissantes. C’est rassurant. Dans le bois c’est magnifique. C’est brumeux, ensoleillé, hyper humide. Ce sera clairement chaud et humide. Les choses s’annoncent bien. C’est un bon départ. »

Il est tôt et déjà la chaleur se fait rapidement sentir. Je vois l’humidité de la pluie de la veille sortir du sol en grandes volutes verticales. Une vapeur quasi volcanique s’échappe du sol. On pourrait croire à un effet de glace sèche. Les premiers kilomètres passent en un claquement de doigt. Mon corps est prêt, je le sais, je le sens. Je sais que ma préparation est bonne, je sais que je peux faire confiance à tous ces mois de travail et d’entrainement acharnés. Le soleil fait de grandioses percées entre les arbres, créant d’immense faisceaux de lumières, dignes des plus grandes cathédrales du monde.


Vocal 002.m4a -

« L’entête de mon texte pourrait être, Récit à la première personne, comme si j’y étais! Oui, ça je trouve ça très drôle! Ou comme dans un livre où vous être le héros! ».

Toutes les pensées qui peuvent envahir notre esprit durant toutes ces longues heures de course. Parfois ce sont de longues pensées philosophiques, que l’on aura totalement oubliées à la prochaine ascension, parfois ce sont des trucs stupides et farfelus comme le fait d’avoir oublié de remettre du chlore dans la piscine avant de quitter la maison. Les écouter après coup, est un moment encore plus délicieux et absurde.


Vocal 003.m4a –

« Première boucle terminée, j’attaque tout de suite pour la deuxième. Pas de ravitos pour le moment. Toutes les petites douleurs habituelles font leurs apparitions, rien de bien extraordinaire, rien de bien différent qu’à l’habitude, tout est simplement ordinaire, comme à l’habitude. Et c’est bien comme ça! »

Je prends la décision de faire deux boucles avant de m’arrêter au ravito (Chalet). Je ne suis pas ici pour m’arrêter, et faire la fête au ravito, (surtout que je suis seul) mais pour avancer, et avancer vite le plus longtemps possible. J’ai mis un peu plus de temps que prévu à faire la première boucle. Arrêt photo, arrêt pipi, arrêt chaussure. Un vrai début de course quoi où on a toujours besoin de prendre le temps de prendre ses marques, de poser des jalons, de s’installer confortablement dans la course. Confortablement c’est relatif. Il y a une citation que l’on retrouve souvent sur des parcours d’Ultra que j’aime particulièrement, qui dit : Pendant un Ultra, si tu te sens confortable, ne t’inquiète pas, cela devrait passer très bientôt.


Vocal 004.m4a –

« Bientôt la fin de la deuxième boucle. Les choses se présentent assez bien. Je commence à entrer dans ma course. J’ai l’impression que l’allure s’accélèrent un peu par elle-même. Sinon tout va bien, le moral est bon. Je scanne mon corps, avec mon scanner virtuel et ma tête régulièrement et tout semble en bonne et due forme. C’est très agréable comme premier segment. »

Un peu plus d’une douzaine de kilomètres au compteur, déjà. Je viens tout juste de partir. La forêt est majestueuse. C’est un moment toujours réconfortant de constater que ton corps accepte ce que tu lui demandes et tout ce qui va suivre. C’est surtout un signe que le plan d’entrainement était à la hauteur de l’événement, puisque le corps ne fait pas la différence entre l’événement et une séance d’entrainement quotidienne. Le scanner virtuel, est ma façon à moi de visualiser mon état physique et mental. C’est exactement comme dans un bon film de science-fiction, je passe le laser horizontale de ma tête à mes pieds, tout en courant, pour récupérer les résultats tout de suite après. Tout y passe, motivations, force, douleur, articulations, hydratation, alimentation, niveau de bonheur, niveau de dépression, niveau de folie.


Vocal 005.m4a –

« La suite du dernier message, je viens d’apprendre que ma plus jeune fille vient de manquer son autobus… Évidemment le seul matin de la semaine ou papa n’est pas là… C’est un peu comme quand tu as une rage de dent, durant un weekend d’amoureux. Cela à une tendance à te garder les deux pieds sur terre! »

La réalité possède cette faculté de tout remettre rapidement en perspective, de tout ramener à la base. Je commençais à peine à m’envoler quelque part dans mon esprit et me voilà de retour sur le plancher des vaches. Je commençais à quitter mon corps pour aller dans les profondeurs de mes pensées quand tout à coup, un simple événement, un événement si ordinaire, ramène immédiatement tout à la tangibilité de la boue, des feuilles mortes sous mes pas, de la sueur dans mes yeux, et du picotement des piqûres de maringouins. La vie est ainsi faite, il faut en permanence revenir à cette réalité qui est la nôtre, pas facile pour un rêveur.


Vocal 006.m4a –

« Fin du premier ravito, c’est bon, des vêtements secs, des gourdes pleines, j’ai mangé un peu. Me voilà reparti pour deux autres tours, je pense bien… Le moral est bon, le corps toujours en plein contrôle. »

À ce moment je me dis que le début de course est derrière moi, que j’attaque maintenant le plat principal qui risque de s’étirer, un très long plat principal. J’appréhende un peu le coté redondant et ennuyant de la suite du repas, mais c’est un peu la nature du projet, tourner en rond… Alors j’avance.


Vocal 007.m4a -

« Je me sens vraiment comme un matin d’entrainement, c’est tellement ordinaire et agréable. J’en suis à environ 18 kilomètres et 660 mètres de dénivelé, je viens de passer les 2h30 de course. La chaleur commence vraiment à s’installer. »

C’est une sortie spéciale, un jour spécial, un jour d’événement, mais en même temps tellement ordinaire. Qui finalement ressemble en tous points, à tous ces matins d’entrainements qui font partie de mon mode de vie quotidien. Puisqu’il n’y a ni foule, ni spectateurs, ni famille, ni drapeaux de parcours, ni animateur, ni musique, ni classement. Bref c’est tout sauf un événement au final. Mais au fond de moi, je sais que je m’attaque quand même un peu à de l’extraordinaire aujourd’hui, mon extraordinaire à moi. Ce jour se veut être un jour de dépassement, c’est mon projet.


Vocal 008.m4a –

« Je viens d’atteindre la distance du demi-marathon. Ça va, ça va bien, mais clairement ça ne sera pas un projet simple. Ça ne va pas se faire en claquant des doigts. C’est un peu ennuyant tout ça. Présentement je ne peux pas savoir combien de temps les bobos vont tenir comme ça. Mais bon! Est-ce vraiment important? »

Je commence lentement à m’inquiéter des blessures de la dernière année, celles qui mon bloquées dans tous mes projets, et ralenti dans toute mes tentatives d’amélioration.

En sortant du bois, je croise madame Jocelyne, toujours aussi souriante avec son chien Lucky. Le chien s’appelle Lucky on ne sait trop pourquoi. Je cherche toujours quelle aurait été sa chance à la naissance, pour s’appeler Lucky. Le pauvre chien est laid comme une chenille poilue métissé à une chauve-souris. Bref le petit chien, veut toujours m’arracher un mollet à chaque rencontre. Par chance pour lui sa maitresse est tellement gentille, alors il n’a toujours pas eu droit à son coup de pied aux fesses.


Vocal 009.m4a –

« 30 kilomètres, un peu plus de 1000 mètres de dénivelé positif déjà, je sors de mon ravito, la sortie a été plus dure que les autres. J’ai de la difficulté à reprendre le rythme. Je suis peut-être un peu lourd, j’ai peut-être trop mangé. Une fatigue commence à se faire sentir. Déjà. »

Les gourdes sont pleines, le sac est plus lourd, chargé de liquide et de fruit frais. Ce qui n’aide pas au sentiment de légèreté qu’un coureur aime ressentir. C’est toujours un moment difficile à affronter qui est celui de constater que tu ne voles plus aussi facilement au-dessus de la surface terrestre, mais bien que tu combats la gravité à pas lourd et pesant comme le commun des randonneurs, comme le commun des « Moldus ». Mais un coureur d’endurance sait aussi, que ce n'est qu’un passage, un moment à surpasser, une étape à franchir. Ce genre de courses ne sont que des montagnes russes d’émotions et de sensations physiques.


Vocal 010.m4a –

« Depuis le vingt-cinquième kilomètres, les tendons d’Achilles commencent à tirer. Rien de bien grave encore. Mais bon, de petits avertissements. J’essaie de retrouver mon esprit anarchiste d’adolescent pour pouvoir naviguer entre les avertissements sans déclencher le tsunami final… Voilà la grande réflexion de l’heure. »

Je viens donc de terminer ma plus difficile boucle de toutes. Il y a de ces moments, ou tous les astres s’alignent pour créer une éclipse de positivisme. La seule chose qui compte dans ces moments précis, est d’avancer, continuer d’avancer sans jamais regarder derrière et encore moins penser à ce qu’il y a devant, juste avancer, poser un pied devant l’autre, tout banalement.


Vocal 011.m4a –

« En arrivant au petit pont des Bénévoles, sur le ruisseau, il y a un grand héron qui vient de s’envoler. Avec ses ailes bleu-grise larges comme le sentier, tout ça en silence. Être aussi gros, et se déplacer aussi majestueusement. Ce n’est pas rien, ce n’est pas donné à tous. Il faut que j’en prenne exemple et retrouver ma légèreté. Régulièrement en course je me dis « Sois léger comme le chevreuil! », ce chevreuil qu’on n’entends jamais arriver et qui te surprends toujours au détour d’un sentier sauvage. Mais aujourd’hui je veux être ce héron. »

Ce sont vraiment ce genre de réflexion qui semble presque banales à relire, qui sont si fortes quand on les vit. C’est exactement comme cela que mon esprit court, avec plein de bribes de réflexions soit logiques, soit absurdes ou simplement philosophiques, pleine de ce qui fait mon monde. Pleine de mon état d’esprit, pleine des odeurs du lieu, pleine de toutes les sensations mêlées. Un de mes amis auteur a, un jour, appelé quelque chose du genre de la Polyphonie. C’est surement un truc du genre.


Vocal 012.m4a –

« 34 kilomètres, 1200 mètres de dénivelé positif. Je suis maintenant certain que mes tendons d’Achilles seront ceux qui mettront fin à cette aventure. Je ne sais simplement pas quand. Cela fait déjà plus de 10 kilomètres qu’ils me dérangent. Donc beaucoup moins à l’aise en montée. Voir même en descente. Bref on verra bien où tout cela va me mener. »

Rien n’est jamais perdu tant et aussi longtemps que le coureur n’arrête pas sa montre. J’ai toujours pensé que c’était un geste très puissant, ce geste ordinaire, celui d’arrêter sa montre. C’est un peu comme arrêter de respirer, c’est obligatoirement la fin de quelque chose, souvent quelque chose où tu as investi tellement d’effort et de sacrifice, pour au final arrêter cette montre avant le point prévu. Mais arrêter sa montre peut aussi vouloir dire mission accomplie, une grande réussite, le point final à un grandiose projet. Bref c’est inévitable, il faut bien à un moment donné arrêter sa montre… Mais pas maintenant!


Vocal 013.m4a –

« Plus de 5h30 de course maintenant et je tiens à me rappeler que mes tendons d’Achille sont depuis plus d’un an, traiter par le Docteur Moi-même. Ce qui explique peut-être le fait que tous mes grands projets de course depuis un an, s’effondrent un peu tous les uns après les autres à cause de mes Achilles Brother’s. »

Évidemment qu’avec cette pandémie, les rendez-vous avec les physio ont été un peu plus rares, voir absents. Il a donc fallu apprendre à gérer tout ça un peu par soi-même. Surtout que dans mon cas, les deux dernières années n’ont été qu’une succession de blessures. À mon avis, toutes un peu liées au traitement de la précédente. Ce qui explique également ma décision de prendre un peu de distance vis-à-vis le physio sportif. Et d’y aller avec mon expérience de coureur et mon ressenti, en mettant en pratique ce que des années de rendez-vous chez le physio m’ont appris. Je crois que la nouvelle grande donné à ajouter à l’équation est assurément l’âge. Le corps réagi différemment, récupère différemment, demande beaucoup plus de soin et d’attention qu’auparavant.


Vocal 014.m4a –

« Ça tire sérieusement sur les tendons. Prochain ravito, je dois prendre le temps de m’asseoir et de masser tout ça. Si je veux avoir une chance de continuer et repartir avec les bâtons de course, pour enlever le plus possible de charges sur mes mollets. Je commence à revoir tous les objectifs. C’est-à-dire, que pour le moment, le projet est d’atteindre la distance du marathon, 42 kilomètres. Et peut-être que par la suite je pourrais me rendre à 50 kilomètres sans m’en rendre compte !!! Qui sait! Ce n’est pas très important tout ça, mais ce sont comme ça que les choses se passe dans ma tête actuellement. Pas de défaitisme, simplement du réalisme. Pendant qu’il m’en reste encore. »

Au fond de moi, je sais qu’il me sera toujours possible de continuer encore très longtemps. Mais la grande question est, « A quel prix? ». Je travaille comme je peux depuis l’an dernier sur ces deux tendons d’Achille. Les choses vont mieux, je contrôle, je maitrise. Mais au fond, je sais qu’il n’est pas question de faire rétrograder la blessure à son état de l’été dernier. Si je pousse trop longtemps c’est ce qui risque de se produire. Ce qui signifierait repartir de zéro encore pour plusieurs mois, et ça, je sais que je ne veux pas le revivre.


Vocal 015.m4a –

« Soyons réaliste! Cela me fait penser à une grande phrase d’Ernesto « Che » Guevara, qui disait : Soyons réaliste, exigeons l’impossible! C’est un peu toujours comme ça pour un coureur de sentier, pour un coureur d’Ultra, si on devait décrire la relation entre le coureur et son corps en une seule phrase, ce serait surement celle-ci. »


Vocal 016.m4a –

« 6h25 de course et la distance du marathon est enfin dépassée, 1500 mètres de dénivelé. Le dernier ravito a été plus long que les autres. J’ai dû prendre le temps de masser mes tendons, mes mollets, avec assez peu de résultat je dois le concéder. Je repars pour une nouvelle boucle, avec le sentiment que la fin est proche. Je n’arrive plus à monter. J’ai pris les bâtons, ça aide, ça aide au moral surtout, c’est déjà ça. Ce n’est rien de grave tout ça, c’est simplement l’histoire d’un gars qui cours seul dans le bois. Je me dis que tout ça a très peu de résonnance. Et c’est très bien comme ceci. Je continue de croire au miracle, on ne sait jamais. Il y a une armée de maringouins autour de moi, ils sentent l’orage qui s’approche, et moi aussi. »

J’étais là pour faire un test. Je voulais savoir à quelle distance j’allais bientôt pouvoir m’attaquer, malgré toutes les blessures des dernières années. J’ai maintenant ma réponse. Je vais devoir rester encore pour un moment sur des distances de ce genre. Qui correspondent aux distances que mes tendons ont décidé de m’imposer. C’est un peu dommage, car je sais que le reste du corps et que le cardio seraient capable d’en prendre beaucoup plus, beaucoup plus longtemps. Mais avoir beaucoup d’essence dans sa voiture, ne nous empêche pas de se faire gâcher la route des vacances par une crevaison… encore pire deux crevaisons.


Vocal 017.m4a –

« J’achève une boucle, j’ai perdu le compte des boucles. Je sais que c’est la fin. Mes tendons sont morts. Comme tout mes longs projets de la dernière année. Je vais quand même pousser la note jusqu’à 50 kilomètres. Le moral est encore bon, je prends tout ça avec un peu de philosophie. Je me rends compte du chemin parcouru depuis quelques années maintenant. »

Ce projet était la fin d’un long segment d’entrainement et d’un retour à la course, après cette malheureuse fracture de stress avec laquelle j’avais commencé cette longue pandémie, par un arrêt total de quatre mois. Je me retrouve donc entre deux plans d’entrainement, avec la certitude que mon programme était au point, j’étais fin prêt pour accomplir des trucs extraordinaires. Mais les blessures mal guéries ont eu raison de mes efforts.


Vocal 018.m4a –

« Donc c’est la fin. 50 kilomètres tout rond. C’est plein de positif. Même pour mes tendons, ils m’ont laissé en faire plus que les dernières fois. Je m’arrête pour ne pas retrouver mes blessures dans l’état où elles étaient il y a six moi, un an. Il y a eu de l’amélioration. Maintenant, je sais qu’ils ont besoin de repos après plus d’un an de travail acharné pour redevenir le coureur que j’étais. Ce serait stupide de tout détruire et de retourner à la case départ. »

La pire chose qui peut arriver à un coureur, est de ne pas pouvoir courir, quitte à courir plus lentement ou moins longtemps, mais juste pouvoir courir. C’est déjà la fin d’une nouvelle aventure, cette fois sans trop de regret, malgré le fait que les objectifs du jour n’ont pas vraiment été atteint. Ce n’est qu’une fois assis au feu de camp, après avoir ouvert une bonne bière, en discutant avec une amie (Amélie) que j’ai pris conscience de ce que je venais de faire, ce que je venais de réaliser. J’ai réalisé que malgré tout cette aventure relevait encore une fois de l’extraordinaire, malgré ma perception. Ce fut quand même 50 kilomètres de sentier et de montagne. Je ne peux que penser à ce fameux premier 50 kilomètres de « La Chute du Diable » il y a à peine quelques années, où j’ai bien cru y rester (Les Pires Kilomètres…! (ghostrunnerblog.com) où j’ai par la force de l’esprit, pu trainer ma carcasse jusqu’à la ligne d’arrivée, tant bien que mal. Et que aussitôt remis de mes émotions je m’étais fait la promesse que plus jamais je n’allais subir un 50 kilomètres de la sorte, mais que l’objectif était maintenant de faire du 50 kilomètres une distance commune, simplement ordinaire. Au final, c’est donc mission accomplie, c’est exactement ce que je viens de faire aujourd’hui, 50 kilomètres et 1800 mètres de dénivelé, sans trop m’en rendre compte, sans souffrir, sans subir, simplement s’arrêter par précaution.


Jean-Paul Sartre a un jour écrit : L’aventure est un événement qui sort de l’ordinaire, sans être forcément extraordinaire.


Je trouve que ces mots correspondent exactement à ce qui pourrait être ma quête ultime d’aventure de coureur de sentier. Le plus souvent possible rendre l’extraordinaire, tout simplement ordinaire. C’est probablement une des plus grandes facultés du coureur d’endurance. Faculté dont le coureur lui-même n’a probablement pas du tout conscience. C’est une force tranquille, discrète, enfouit au fond de lui, au fond de moi j’imagine. Celle de rendre aux événements leurs simplicités, leur véritable nature. L’extraordinaire est tout simplement une barrière de l’esprit. C’est un portail à ouvrir, une faille à élargir, une obstruction à contourner. Une fois que l’extraordinaire à perdu son éclat, ses ornements et sa hauteur vertigineuse, c’est à ce moment précis où il perd son extra et devient ordinaire. Où il devient par la force des choses simplement un nouveau jalon, une nouvelle étape, une nouvelle ligne de d’arrivée… et par la force des choses une nouvelle ligne de départ!


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